Thanatopractrice depuis l’âge de 22 ans, elle réalise, à travers le traitement et la conservation des dépouilles, le métier de ses rêves.

Assise au secrétariat du bureau du major du service de thanatopraxie, Jeanne Laure Mfut s’active à s’occuper des familles venues retirer les corps de leurs membres ou celles venues remplir les formalités avant la date de la mise en bière. En collaboration avec le major de ce service, elle veille au bon déroulement des levées de corps, et à la satisfaction des familles éplorées. A cette heure de la journée (11h), 15 des 16 corps qui devaient être mis-en-bière ce vendredi, 02 septembre 2022 l’ont déjà été. Tout s’est passé dans l’ordre. Et le reste de la journée s’annonce calme. Mais Jeanne Laure n’est pas que secrétaire. Celle qui assure cette fonction depuis quelques mois est thanatopractrice depuis une quinzaine d’année. Elle n’avait alors que 22 ans lorsqu’elle décide de pratiquer le métier dont elle a toujours rêvé. L’annonce de sa décision à sa famille fera beaucoup de mécontents. Mais, elle est soutenue par deux de ses frères tous deux médecins, et dont l’un est dans l’armée.

Entrée de l’hôpital Laquintinie de Douala

Son rêve d’enfant peut alors commencer à se réaliser.

« J’ai grandi au village. A mes 12-13 ans, je voyais mes parents ainsi que les voisins du quartier laver les corps et les conserver de manière traditionnelle, pendant au moins trois jours avant l’inhumation. Il n’y avait pas de morgue. Cela me passionnait. J’aimais les voir faire. Et je me suis promise, un jour, de laver également les corps », note t-elle.

Dix ans plus tard, alors âgée de 22 ans, après avoir arrêté ses études en classe de 3ème faute de moyens, et mère d’un enfant, Jeanne Laure prend le bus pour Douala. Une fois sur place, elle se rend à la morgue de l’hôpital de la garnison militaire.

« J’ai rencontré le major et lui ai fait part de mon désir de travailler à la morgue. Il a été surpris par mon courage et m’a conduit vers le colonel qui dirigeait l’hôpital. Après notre entretien, j’ai commencé un stage de formation à la morgue de cet hôpital. Au terme du stage, j’ai obtenu un certificat d’aptitude de “morguier”. Lorsqu’il fallait aller porter les corps sur les brancards, j’y allais avec les hommes et on portait. Ma détermination, ma force et mon courage ont fait que je sois très vite retenue dans l’effectif », se réjouit celle qui est aujourd’hui mère de trois enfants.

A l’hôpital militaire de Douala, elle travaille 5 ans, avant de rejoindre l’hôpital Laquintinie en septembre 2012. Ici, le travail est fait, soit à travers la garde (17h30 – 7h30), soit par la permanence (7h30 – 17h30). Les jeudis et vendredis sont les jours où l’affluence. On atteint le pic, avec parfois, une quarantaine de corps à lever en un seul jour. Jeanne Laure a ajouté une corde à son arc, en faisant la soudure des cercueils.

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A son actif, plusieurs centaines de corps déjà lavés en 15 ans de métier. Les corps des enfants sont ceux qui l’ont le plus marqués. Mais, également celui d’un homme veuf, père d’enfants en bas âge, arraché à la vie par un coup de poignard des brigands qui se sont emparés de sa moto. Son cœur de mère n’a pu s’empêcher de penser à ces enfants à jamais orphelins. Pour cette trentenaire, travailler à la morgue est un métier comme les autres. Cependant, cela nécessite une force mentale au regard des préjugés et du mythe qui entoure la mort. « Pour faire ce travail, il faut être fort psychologiquement, parce qu’il y a trop de préjugés. Pourtant c’est un travail simple tout comme les autres », croit-elle, dure comme fer.

2 Replies to “Jeanne Laure Mfut: Passionnée des « corps »”

  1. Janine 1 an ago

    C’est une brave femme, et d’ailleurs ma tante. Je valide tout ce qui est écrit là. Nous avons grandi ensemble et elle m’a hébergé chez elle pendant quelques temps quand elle travaillait déjà comme morguiere.

    1. Hôpital Laquintinie 1 an ago

      Merci pour ce retour madame.

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